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Berlin : une mode en quête de légitimité

7 juin 2019
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Pourquoi Berlin n’est pas devenue une capitale européenne de la mode

Il y a 5 ans on nous l’annonçait comme la prochaine capitale européenne de la mode, « the future place to be ». Berlin en chiffres c’est tout de même dix écoles de mode, une fashion week lancée en 2007 et cinq grands salons de l’habillement. Mais en 2015 le bilan en demi-teinte suggère que Berlin a péché par excès d’optimisme.

berlin fashion week

Berlin a beau être la capitale de la première puissance économique européenne, force est de constater que son influence dans l’industrie de la mode reste mineure. Les attentes n’ont pas vraiment été comblées…Est-ce compatible d’être à la fois une place forte de la contre-culture et un acteur majeur de la mode, souvent synonyme de luxe ?

Quand on regarde de plus près, trois handicaps empêchent Berlin d’atteindre ses objectifs : une décentralisation des places fortes de la mode,  l’absence d’infrastructures indispensables à la réussite économique et un consensus de « non style » ancré dans la culture germanique.

Certains imputent les difficultés de Berlin au fait qu’en Allemagne plusieurs villes se font concurrence dans le domaine de la mode. D’abord Hambourg, qui possède le plus grand nombre d’agences de mannequins en Allemagne, caractéristique toujours corrélée avec une activité intense.

Esprit

Puis Munich, où sont basés les magazines allemands les plus prestigieux.  Et pour donner une idée de leur considération pour Berlin : ils n’envoient que des journalistes subalternes pour couvrir la fashion week allemande. Grosse ambiance de l’autre côté du Rhin… Même la ville de Cologne a su tirer son épingle du jeu.

Mais c’est bel et bien la puissante ville de Düsseldorf, connue notamment pour la production textile, qui représente un sérieux concurrent pour Berlin. C’est là que prend place la CPD trade fair, le plus gros salon d’Allemagne, pour lequel les acheteurs importants se déplacent plus qu’à la Berlin fashion week.

Pour schématiser, Berlin est bon marché et créative tandis que Düsseldorf est la Mecque allemande de la mode haut de gamme. C’est là que circule l’argent. La German fashion association a même confié en toute sincérité : “Berlin doesn’t have any commercial dimension. Business is done in Düsseldorf.”  La messe est dite.

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Wunderkind spring/summer 2014

Ce manque de cohésion empêche la ville d’étendre son influence. Diviser pour moins bien régner… Mais malgré ces disparités c’est Berlin qui a été choisie en 2007 pour héberger la fashion week allemande. Et ce grâce à sa réputation sur la scène internationale en tant que capitale culturelle branchée et haut lieu de l’art et de la créativité.

La fashion week berlinoise ne dure que quatre jours, contre une semaine dans les autres capitales. Et lorsque l’on jette un œil à la presse française, l’évènement passe quasiment inaperçu. En effet les médias influents dans la mode font l’impasse sur cette fashion week, empêchant l’exposition médiatique qui permettrait à Berlin de s’affirmer. Il lui faudra du temps pour se développer et se forger une identité propre.

La semaine de la mode n’y est instaurée que depuis huit ans. Pour l’instant il est impossible pour la capitale allemande de jouer dans la même cour que Paris ou Milan où l’industrie de la mode existe depuis des centaines d’années, rapporte des millions d’euros, emploie des milliers de personnes et fait partie du patrimoine historique. En conséquence elles aspirent les acheteurs et designers du monde entier.

Hugo Boss campagne 2015

Hugo Boss campagne 2015

Berlin possède une multitude d’écoles de mode mais aucune qui soit considérée par tous comme une référence. Alors que la Cambre en Belgique ou la Saint Martins de Londres sont des institutions nationales très influentes et de véritables réservoirs de talents.

Berlin a ses atouts. Le dynamisme créatif de la ville incite les jeunes designers à s’y installer. Les ateliers et plateformes bon marché ont transformés Berlin en un véritable vivier. La qualité de vie et la sensation de liberté sont d’autres ingrédients à rajouter au cocktail berlinois.

Mais le bouillonnement artistique semble avoir moins bénéficié à la mode qu’à d’autres milieux alternatifs comme la musique ou les arts plastiques. Malgré sa flopée de jeunes designers créatifs et ses show-rooms avant-gardistes la capitale allemande peine à s’imposer en tant que capitale de la mode.

Talbot Runhof 2013

Talbot Runhof 2013

Les designers ou photographes talentueux finissent toujours par migrer vers ses voisines européennes, empêchant Berlin de devenir plus attractive et influente sur la scène mode internationale. La ville attire surtout pour son mode de vie alternatif, plutôt anti-consumériste et underground, où la consommation de vêtement n’est pas vraiment centrale.

La pression vestimentaire est bien moins importante que dans les autres capitales. En fait, traditionnellement, l’habillement ne figure pas parmi les pôles de dépense prioritaire des Allemands. Et rappelons que le taux de chômage à Berlin est 4% plus élevé que la moyenne du pays. Le pouvoir d’achat s’en ressent forcément.

Un autre obstacle à l’expansion de Berlin est de nature culturelle. La mentalité allemande prône plutôt la simplicité et le pragmatisme. Au niveau vestimentaire les Allemands la jouent majoritairement low profile et minimaliste. Globalement ils ne sont pas très audacieux en matière de style, et la mode ne déroge pas à la règle.

quotes Berlin FW

La majorité des grosses marques allemandes proposent des vêtements basiques et milieu de gamme. Le succès de marques comme Hugo Boss est incontestable mais cette mode portable et sage ne peut rivaliser avec la flamboyance de la haute couture parisienne ou l’excentricité des créateurs londoniens.

Pour sortir du lot Berlin mise à long terme sur sa créativité, la liberté et son innovation. Elle trouvera sa place en développant une identité singulière, éloignée de celles des autres capitales européennes de la mode. Mais les pépinières de talents arriveront-elles à passer outre les habitudes de consommation des Allemands ?

Tout le paradoxe réside dans le désir de ne pas rester une capitale de la mode alternative/de seconde zone alors que c’est justement son anticonformisme qui séduit.

 

 

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