ma biche | La mode peut-elle encore être « politique » ?
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La mode peut-elle encore être « politique » ?

12 mai 2019
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Il s’avère qu’après des études de communication politique je tiens ce qui pourrait s’apparenter à un blog de mode (que vous lisez présentement). J’ai conscience que ce « grand-écart » peut interpeller (comme cela a intrigué tous les potentiels recruteurs que j’ai pu rencontrer au cours de ma courte existence post-master).

manifestation féministe mini jupe munich 1970 protestation marche

Munich – 1970

Mais les milieux de la politique et de la mode ont plus en  commun qu’il n’y paraît. Ce sont des domaines dans lesquels rien n’est jamais acquis, où les lignes bougent en permanence, qui évoluent en parallèle avec la société et où l’on peut croiser nombre de personnalités égotiques et/ou tyranniques. Et si la mode a la particularité d’être à la fois un art et un marché, que dire alors de la politique ?

En janvier dernier se terminait l’exposition Politics of Fashion/Fashion of Politics au musée Design Exchange (DX) à Toronto. Mais le temps où les créateurs s’emparaient des problèmes de société semble bien lointain. On peut se demander si aujourd’hui la mode peut encore avoir une portée politique.

Le style vestimentaire lié aux mouvements hippie ou punk a constitué un mode de rébellion à part entière. Mais le keffieh, symbole de la lutte palestinienne, s’est transformé en simple accessoire de mode tandis que les piercings et tatouages se sont embourgeoisés à un point inimaginable.

exposition dx design exchange toronto fashion politics mode politique

DX Toronto Politics of Fashion/Fashion of Politics

A travers nos vêtements nous communiquons. Nous exprimons une orientation sexuelle, une appartenance sociale, professionnelle, culturelle ou ethnique. Ainsi pour les femmes le port de la minijupe ou même du pantalon ont été des symboles forts d’émancipation, voire une forme de contestation.

Des défilés aux campagnes en passant par leur discours polémique, voici trois créateurs-activistes qui ont utilisé le vêtement comme porte-voix. La palme du designer le plus politisé revient sans conteste à Dame Vivienne Westwood, reine de la mode britannique.

L’ancienne icône punk lance dans les années 1970 le mouvement No Future avec son compagnon de l’époque Malcolm McLaren, producteur des Sex Pistols. La créatrice dira plus tard : « les hippies ont politisé ma génération, mais ce sont les punks qui ont gravé dans les jeunes consciences l’idée qu’il ne faut jamais faire confiance au gouvernement ».

vivienne westwood catwalk défilé show protest écologiste

Vivienne Westwood Red Label A/W 2008

Vivienne Westwood est une révolutionnaire dans l’âme et fait de chaque nouvelle cause son cheval de bataille. Féministe et activiste de la cause environnementale, la créatrice milite pour la PETA (association de défense des droits des animaux) et soutient l’indépendance de l’Écosse (alors qu’elle-même est 100% british). A 70 ans passé elle déplore le manque de rebelles dans nos sociétés modernes et voue une admiration sans faille à Julian Assange.

Il semblerait que la contestation soit un flambeau britannique car parmi les designers les plus engagés on compte le sombre et génialissime Alexander McQueen. D’origine écossaise, l’enfant terrible de la mode n’a eu de cesse de questionner cette part de son identité à travers son travail. Et il se trouve que ce type de démarche autobiographique est plutôt rare chez les créateurs de mode.

A ce rapport singulier avec ses origines il consacrera une collection en 1995, Highland rape. Le thème était l’oppression de l’Écosse par l’Angleterre au cours du 18e siècle. Les mannequins portaient de fausses blessures de guerre et arboraient des kilts déchirés.  McQueen y évoque plus précisément le Dress Act de 1746 qui interdit le port du costume traditionnel écossais et le tartan, symbole identitaire des clans des Highlands.

highland rape scotland défilé show 1995 alexander mcqueen

Highland rape A/W 1995

Son goût prononcé pour la provocation le disputait à son univers onirique et poétique aux accents théâtraux et gothiques. Sa fascination pour le gothique londonien et les costumes baroques ne l’empêchait pas d’afficher une attitude des plus punk. La puissance narrative de ses créations étaient exacerbées par ses défilés extravagants aux allures de performances underground.

Aussi rebelle que romantique, il transmettra des émotions noires et intenses à travers ses collections empruntes d’historicisme et de primitivisme. Tout au long de sa carrière le créateur défendra la liberté d’expression et soulignera l’importance du vêtement dans la formation d’une identité, personnelle ou collective. Il se servira de la couture pour exprimer tant ses idées philosophiques que sociales et politiques.

Cocorico, le plus politique des créateurs actuels (vivants) n’est autre que le français Jean Touitou, fondateur d’A.P.C (pour Atelier de Production et de Création). Les modeuses vouent un véritable culte à ses jeans parfaitement coupés. La marque est reconnue pour ses matières brutes et la qualité de ses coupes. A.P.C a su faire rimer qualité avec minimalisme et intemporalité.

twitter jean touitou polémique

En plus de tailler admirablement le milieu de la mode, Jean Touitou ne manque jamais une occasion de participer sans langue de bois aux débats d’actualité. Et ça, ça fait du bien dans cette ambiance bisounours post-7 janvier. Parmi les adeptes des répliques cinglantes de « Jean Twittos » on compte même le fashion sniper Loïc Prigent.

Véritable touche-à-tout, Jean Touitou est également éditeur et producteur de musique. Ex-trotskiste (sic), cet électron libre n’a pas sa langue dans sa poche. Il distille son délicieux cynisme sur Instagram et Twitter et on se délecte de ses perles politiquement incorrectes.

Aux revendications sociales la mode préfère désormais des batailles un peu moins nobles et surtout beaucoup plus consensuelles. Aujourd’hui les combats sont moins politiques et lorgnent plutôt du côté de l’écologie et de la lutte contre tous les -ismes. La consommation responsable ou le controversé Made In France sont devenus des arguments marketing en soi. On ne compte plus les voix qui se soulèvent pour condamner l’image standardisée de la femme véhiculée par les médias ou l’inquiétant manque de diversité sur les podiums.

Diesel campagne 2013 burqa jeans

Campagne Diesel 2013

Aujourd’hui les rapports entre mode et politique sont surtout de l’ordre du questionnement sur la moralité de certaines pratiques de l’industrie de la mode. De l’effondrement du Rana Plaza aux mannequins jugées trop maigres par les autorités de différents pays européens, l’encre n’en finit pas de couler. Mais malgré quelques progrès çà et là, force est de constater que la mode reste plus politique que les politiques ne sont à la mode…

3 Comments

on La mode peut-elle encore être « politique » ?.
  1. -

    BRAVO !

  2. -

    Hmm tres interessant, qu’en pensent les Boulevardiers, je pense que ca ouvre la porte a de beaux debats.

  3. -

    You really make it appear so easy with your presentation however I in finding this topic to be really something which I think I’d never understand. It seems too complex and extremely huge for me. I’m taking a look forward in your next post, I will try to get the cling of it!

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